Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Verdun Etude Géographique et conséquences environnementales - Page 3

  • Les espaces forestiers de la région des combats de Verdun et fortification.

    Après vous avoir présenté les villages, notamment détruits par les combats de 1916, afin de se faire une idée du paysage d'avant-guerre, il est un autre aspect que je souhaite évoquer.

    Alors que nous connaissons actuellement les champs de bataille de Verdun recouverts d'une forêt domaniale, cela n'a pas toujours été le cas, bien au contraire.

    Afin de vous donner une idée de l'emprise forestière, je vous en propose une carte.

    Carte Emprise forestière.JPG

    Cette couverture forestière, composante du paysage lorrain, est toutefois contrainte par les impératifs de défense nationale qui ont vu le jour après la défaite de 1870.

    Afin de prévenir une nouvelle invasion ou du moins y faire face avec efficacité, il a été décidé de mettre en place un réseau défensif, connu sous le nom de Séré de Rivières.

    Rideaux défensifs Sere de Rivieres.JPG

     

     Verdun est le pivot de ce système défensif.

    Carte de la région fortifiée de Verdun.JPG

    Autour de Verdun, le système de forts constitue un double cercle concentrique. Avec l'évolution des techniques d'armement, les différents forts ont été plus ou moins modernisés.

    Evolution de la région fortifiée de Verdun.JPG

    Pourquoi mélanger dans une même note, l'emprise forestière et le système de défense des forts de Verdun. En effet, ces deux notions sont très imbriquées et je vais laisser la parole au spécialiste de la question : Jean-Paul AMAT.

     

    AMAT (J.P), France du Nord Est 1871/1914. Forêt et défense du territoire.

    Eugène TENOT peint la France de 1871 « ouverte et sa frontière démantelée, béante, à la discrétion d ‘un retour offensif de l’impitoyable ennemi... Le traité de Francfort avait substitué à l’ancienne frontière déjà une médiocre une trouée énorme, une ouverture, un vide effroyable : Paris à 10 marches des avant-postes ennemis ».

    La place forte de Metz n’est plus le môle avancé de la défense. Elle devient un point du dispositif ennemi. Cette inversion des vecteurs de la menace fait de la ligne des Hauts de Meuse le premier rempart. Pendant 40 ans, au retournement des 4 forts français puis au durcissement des défenses allemandes de la ville répondent la construction puis les renforcements du système fortifié meusien. De même que Metz est la tête de pont de l’Allemagne sur la Moselle, Verdun doit être la tête de pont de la France sur la Meuse et contrebalancer l’action menaçante de Metz. Il est donc essentiel pour la défense de repenser l’organisation de l’espace frontalier, et notamment la place de la forêt, dont les attributs militaires changent avec le traité de Francfort. A celui de simple complémentarité succède celui de l’insertion des forêts dans le système du Nord Est.

    Effet de barrière.

    La forêt ménage 2 types d’effet de barrière. Le premier naît de la seule présence du couvert. Le second type peut être associatif. Un ou plusieurs obstacles s’ajoutent à l’écran forestier qu’ils ou qui les renforcent. Si la forêt disparaît, l’effet barrière, certes affaibli, demeure.

    Les enseignements de la guerre 1870-1871.

    Faisant l’analyse des combats de 1870 qui avaient impliqué la forêt, Chancerel retient 5 types d’utilisation des bois par les armées. Dissimuler les mouvements, comme à la bataille de Sedan où tous les massifs boisés ont caché les manœuvres allemandes, créer des centres de résistance, constituer ou compléter une ligne de défense, lancer des attaques surprise ou protéger une retraite.

    Les forêts et le système défensif de Séré Rivières.

    Arc boisés tournés en échelon vers l’Allemagne, Woëvre, Hauts de Meuse et Argonne présentent des combinaisons morphologiques et végétales différentes et tous les effets de barrière. Les forêts de plaine barrent les trouées ménagées entre les rideaux défensifs, accentuent les obstacles des vallées inondables et des marais et charpentent d’étroits couloirs de pénétration. La forêt de Woëvre dresse son écran touffu entre les crêtes septentrionales des Hauts de Meuse contrôlées par le môle de Verdun et la citadelle de Montmédy.

    Dans le même temps que la forêt entre dans l’organisation d’un futur théâtre d’opération, l’armée renforce son arsenal de surveillance des espaces forestiers, et, partant, des paysages ruraux, aux côtés des acteurs plus classiques. Contrôler les peuplements, c’est influer sur la dynamique des couverts végétaux.

    Il faut repenser l’intégration des milieux naturels dans le champ des nouvelles contraintes d’organisation de la défense d’un territoire amputé. La forêt est à l’ordre du jour.

    L’armée sans être hostile aux transformations des paysages et de l’organisation du territoire, exige sinon d’y être associée, du moins d’avoir un droit de contrôle ou de veto sur les opérations. Faut il intégrer la forêt à une stratégie générale de défense du territoire ? Quels plan d’action promouvoir, avec quelle logique, quelles méthodes et quels moyens ?

    Contrôler, aménager : les outils.

    La loi du 07 avril 1850 avait fortement accru les risques de démembrement du manteau forestier en autorisant l’Etat à aliéner des forêts domaniales. Pèse sur la forêt tout un lot de menaces : trouées et enclaves de défrichement, grignotage des lisières, disparition de bosquets et de petits bois, multiplication de pénétrantes qui découpent et affaiblissent les massifs. La transformation du territoire pose la question ardue de son contrôle.

    Par ce mode d’organisation de l’espace pour le temps de guerre, le législateur donne à l’Etat les moyens réglementaires pour contrôler d’abord l’occupation des terres, pour faire prévaloir ensuite les intérêts supérieurs de la nation qui relèvent de la défense du territoire et de l’organisation des frontières, en temps de paix comme en état de guerre.

    Pour être viable, la défense de ce grand Est doit impérativement utiliser la totalité des ressources du milieu physique. Ainsi aux côtés des routes et des voies ferrées, des fleuves , rivières et canaux, la forêt est-elle amenée à jouer un rôle majeur dans la fixation des nouvelles limites de la zone frontière et devient-elle du même coup une composante éminente du système défensif à mettre en place.

    Pour faire de la forêt une composant active de la défense, l’armée joue de deux procédures. L’adhésion aux demandes de défrichement contrôle la géométrie forestière, périmètre et surfaces ; la distraction des bois au bénéfice du département de la Guerre donne à l’armée les moyens d’agir à la fois sur l’espace et les milieux.

    A partir de 1871 l’autorité militaire reconsidère la doctrine de conservation et explore celle d’intégration stratégique. Deux décrets impliquent les forêts dans les plans du programme de Séré Rivières.

    3 mars 1874 : déplace les territoires réservés et fixe une zone de servitude des places fortes, dite myriamétrique ( polygone joignant les points situés à 10 km de saillant sur les capitales des ouvrages les plus avancés).

    8 septembre 1878 : fixe la compétence de la Commission mixte pour les atteintes aux forêts. La zone forestière est découpée en territoires sur qui pèsent des contraintes différentes. Sur toute son étendue sont contrôlés les défrichements des forêts soumises au régime forestier, celle de l’Etat, des communes et des établissements publics. Sur une bande frontalière large de 30 à 200 km, le contrôle est renforcé.

    Il faut garder tous les obstacles possibles en plaine pour ralentir l’avance ennemie, laissant le temps d’organiser une défense sérieuse sur les plateaux supérieurs qui couronnent les villages d’Haudiomont, Châtillon, Moulainville, Eix et Damloup. Après 1875, les stratèges considèrent le vaste croissant de la plaine de la Woëvre écorné par la nouvelle frontière comme un glacis devant l’Empire Allemand. Il convient d’en dégager les vues, alors fermées, compartimentées par des massifs ou des blocs forestiers de toutes tailles.

    A Verdun, 819 ha de forêts soumise ont disparu, principalement aux environs de la ville de Verdun par suite de la construction des forts destinés à fermer la frontière sur la ligne de la Meuse.

    Entre 1871 et 1914, les demandes de défrichement diminuent puis tarissent sous l’effet de la grande vague d’exode vers les villes. Les dossiers de la commission mixte concernant les défrichements sont, eux, beaucoup moins nombreux.

    Le secteur du fort de Souville dans le périmètre du camp retranché de Verdun offre un bel exemple de tels aménagements de la forêt.

    Les principales interventions sont l’abattis (coupe pratiquée entre 1 et 1,50 m de hauteur, sur la quelle le possible maintien des entrelacs de branches et de troncs coupés accentue l’effet d’obstacle) et le déboisé (qui n’est pas un défrichement). Le maintien de l’état opérationnel exige des dégagements permanents. Les éditions successives de la carte d’état major, les cartes accompagnant les dossiers de cantonnement des Eaux et forêts, montrent la naissance des paysages militarisés en forêt.

    L’irruption des fonctions militaires dans ces systèmes provoque la restructuration des périmètres et des couverts. Elle donne naissance à des sylvosystèmes militarisés qui présentent les faciès caractéristiques d’abattis et de déboisés. Véritable empreinte de la marche à la guerre, ils s’étendent aux dépens des paysages de la gestion civile.

    Ex de la forêt de Sommedieue : 1960 ha au cœur des rideaux défensifs, cette forêt vit l’intense militarisation des Hauts de Meuse au sud est de Verdun. Compact en 1858, le massif domanial est en 1914, couturé de saignées, scindé en 6 blocs dessinant deux ensembles de part et d’autre de la trouée de la route d’Allemagne. Dans les intervalles s’étendent pelouses et fruticées sur les glacis et les abords des grands forts orientaux du camp fortifié. Ce sont en fait 892 ha, soit 36 % de la superficie aménagée, qui sont devenues des sylvofaciès militarisés.

     

    Jean Paul AMAT a donc bien démontré le lien entre le couvert forestier et la défense stratégique de la place de Verdun.

    Comme le montre les exemples des communes d'Eix et de Vaux, des déboisés stratégiques sont entrepris jusqu'au début du XX ème siècle.

    Découverts stratégiques.JPG

    Ainsi, la caractéristique principale du paysage de la région de Verdun avant 1914 est la présence du système de défense des forts qui entraîne une grande maîtrise et gestion des espaces forestiers.

     

     

  • Les villages des champs de bataille de Verdun

    Avant que les combats ne dévastent et ne retournent de fond en comble le paysage, il est possible de s'en faire une idée, grâce à des photos prises avant guerre et surtout en ayant consulté le cadastre aux Archives Départementales de la Meuse.

    Cette note a pour objet de vous présenter les 9 villages détruits à partir de 1916 et considérés comme Morts pour la France. A noter que tous les plans sont de votre serviteur à l'ancienne, c'est à dire calque et rotring.

    Tout d'abord, une petite carte IGN (Géoportail) pour vous présenter le cadre des champs de bataille de Verdun.

    Carte des champs de bataille.JPG

    Je vais tenter de vous les représenter grâce à 3 documents : le territoire communal, la commune et une ou plusieurs photos d'avant Première Guerre Mondiale.

    Beaumont :

    Beaumont territoire communal.JPG

    Beaumont.JPG

    Beaumont avant Guerre.jpeg

     Bezonvaux :

    Bezonvaux territoire communal.jpg

     

     

     

     

    Bezonvaux.JPGBezonvaux avant guerre.jpg

     Cumières :

    Cumieres territoire communal.JPG

    Cumières.JPG

    Cumieres avant guerre.jpg

    Douaumont :

    Douaumont territoire communal.JPG

    Douaumont.JPG

    Douaumont avant guerre.jpg

    Fleury devant Douaumont :

    Fleury devant Douaumont territoire communal.JPG

    Fleury devant Douaumont.JPG

    Fleury devant Douaumont avant guerre 1.jpg

    Fleury devant Douaumont avant guerre.jpg

     Haumont :

    Haumont territoire communal.JPG

    Haumont.JPG

    Haumont avant guerre.jpg

    Louvemont :

    louvemont territoire communal.JPG

    Louvemont.JPG

    louvemont-villagedetruit-avantguerre.jpg

     

    Ornes :

    Ornes territoire communal.JPG

    Ornes.JPG

    Ornes avant guerre.jpg

     

    Vaux devant Damloup :

    Vaux devant Damloup territoire communal.jpg

    Vaux devant Damloup.JPG

     

    Vaux devant Damloup avant guerre.jpg

    Actuellement, ces villages n'existent plus.

  • Sources

    Derrière ces considérations (patriotiques et nationalistes) qui masquent le raisonnement, il reste des traces, des griffures, des blessures que l’on peut envisager d’étudier. Encore faut il trouver une méthode pour rendre compte de l’état des champs de bataille lors des combats principaux de 1916, ceux de 1917 et à l’armistice. Bien évidemment, les paysages actuels de Verdun et de ses environs n’ont plus rien à voir avec ceux de la Grande Guerre, du fait des méthodes et des tentatives de remises en état. Pour pallier à l’impossible observation directe du champ de bataille, un corpus de sources variées doit être mobilisé.

     

    Le premier objectif est de tenter à travers plusieurs types de sources et de références de reconstituer de façon descriptive et dynamique la nature et l’état des champs de bataille de Verdun entre 1916 et 1918.

     

    Comment qualifier la nature et l’impact écologique qu’a eu la guerre de 1914-1918 ? Est il possible d’évaluer les dégâts au lendemain du conflit ? Existe-t-il encore des traces de ces bouleversements, 80 ans après la fin de la Première Guerre ?

     

     

    ·         Photographies

     

    ·         Cartes postales

     

    ·         Cartes militaires : Groupes de Canevas de tir (1/20.000).

     

    ·         Sources écrites civiles et militaires.

     

    ·         Premières photographies aériennes.

     

    ·         Les dossiers des dommages de guerre.

     

    ·         Les plans d’aménagement forestier

     

    ·         Cartes postales et photographies aériennes d’après-guerre.

     

    ·         Guide Michelin des Champs de Bataille.

     

     

    Les sources graphiques sont celles qui peuvent plus facilement donner l’image de l’état des champs de bataille. Parmi celles ci, on peut encore ajouter deux autres types de sources graphiques indirectes : les dessins et les peintures. Au delà de l’intérêt descriptif de ces œuvres, elles apportent à l’étude de champs de bataille, une autre vision, qui nécessite d’être prise en considération : quel est le message de l’artiste, que traduit la technique employée, qu’a-t-il retenu ? Si les œuvres picturales de cette période ne sont pas très abondantes, on est en droit de se poser la question.

     

    Parmi les sources écrites civiles et militaires, une distinction s’établit entre les témoignages des combattants (carnets de guerre et correspondance privée), les œuvres littéraires écrites après les combats, puis les hebdomadaires de l’époque que sont le Miroir et l’Illustration et les journaux de presse écrite.

     

    Toutes ces sources écrites ont une limite fondamentale : elles expriment plus les sentiments des auteurs,  l’histoire des combats, la vie au front des combattants que la description des  paysages dans lesquels ils évoluent.

     

    Identification de la source.

     

    Authentification.

     

    Quand une description se fait jour, encore faut il qu’elle soit assez précise et localisée, afin d’être utilisée comme témoignage. Malgré la littérature très abondante sur les combats de Verdun, les descriptions utiles sont très peu nombreuses. De plus, ce sont les phases des combats les plus intensifs qui sont relatées, donc souvent les mêmes lieux. Par conséquence,  tenter de faire un panorama exhaustif des champs de bataille s’avère une tâche particulièrement ardue.

     

    Le problème est le même pour l’iconographie des champs de bataille. Comme pour les œuvres littéraires, les images des champs de bataille de Verdun, sont très nombreuses, mais souvent, aucune indication de lieu n’est précisée, et rien ne ressemble plus à une tranchée ou à un bois bombardés qu’une autre tranchée ou un autre bois sur un autre secteur du front (notamment pour les grandes échelles). Une bonne connaissance des lieux peut parfois suppléer une identification défaillante.

     

    Seules les superstructures civiles (villages) et militaires (forts, casemates, citadelles) sont facilement identifiables et authentifiables.

     

    Datation.

     

    Quant à la datation précise, il est malheureusement nécessaire de faire confiance à la légende du document, quand celle-ci existe et que la date y est mentionnée.

     

    Toutes ces considérations méthodologiques restreignent d’autant plus le champ d’investigation des sources écrites et iconographiques.